Le crime d'Anne Thure

Le 9 février 1756, Charles de Bourgogne, nouveau curé de Xivray-Marvoisin, donne son tout premier sacrement dans cette fonction en baptisant un nouveau-né, Anne Thure, … qui l’assassinera près de cinquante plus tard.

Bien que comportant quelques inexactitudes, cet extrait du « Pouillé du diocèse de Verdun »  évoque un événement qui a impliqué Anne THURE, habitante de Xivray, fille de François Xavier THURE et veuve de Jean KESSELER.
Vers Noël 1801, Jean KESSELER, 42 ans, décède en laissant sa veuve, Anne THURE, avec six enfants et 6 000 francs de dettes.
Son voisin, Charles de BOURGOGNE, 82 ans, ancien curé de Xivray, est quant à lui connu pour disposer d’une fortune personnelle. Anne THURE n’avait d’ailleurs pas caché sa convoitise à son égard.

Le lundi 2 pluviôse an XII (23 janvier 1804), Anne THURE confie à la servante de Charles de BOURGOGNE une commission auprès de la Demoiselle de NIXEVILLE.
Il est une heure de l’après-midi quand la servante part faire cette course.

A son retour, à deux heures, elle découvre le corps de Charles de BOURGOGNE gisant dans sa cuisine et son argent dérobé.


François THURE, frère d’Anne THURE et Maire de Xivray, attribua la mort à une crise d’apoplexie et fit en sorte que l’inhumation ait lieu dans les meilleurs délais !
Quant à François KESSELER, fils d’Anne THURE, il fut trouvé, après la découverte du cadavre, extrêmement éprouvé.
De plus, dans les jours qui ont suivi, on le vit dépenser, ainsi que sa mère, beaucoup plus d’argent qu’à l’accoutumée.
Anne THURE et ses deux fils, Joseph et François KESSELER, furent naturellement soupçonnés de ce crime et incarcérés à Saint-Mihiel.

Les pièces à conviction sont déposées au greffe du tribunal :  une table,  une malle,  trois haches,  une veste grise,  une paire de bas de laine.
Les pièces à conviction sont déposées au greffe du tribunal : une table, une malle, trois haches, une veste grise, une paire de bas de laine.

Anne THURE et ses deux fils furent jugés en Thermidor an XII, par la cour de justice criminelle de la Meuse, sise à Saint-Mihiel. Le procès dura 6 jours.
Anne THURE et François KESSELER furent condamnés à mort le 21 thermidor an XII (9 août 1804)
La condamnation de François KESSELER a été cassée par la cour de cassation le 12 vendémiaire an XIII (4 octobre 1804).

Anne THURE fut exécutée place des Halles à Saint-Mihiel le 2 brumaire an XIII (24 octobre 1804).
Joseph KESSELER a été acquitté.

La cassation de la condamnation de Joseph KESSELER


François Thure est destitué

Le 12 germinal an XII, François THURE est destitué de ses fonction de Maire par le Ministre de l’Intérieur CHAPTAL.
« … quoi qu’ayant reconnu ce double crime et l’ayant pu constater, loin d’en informer le magistrat de sûreté et de prendre des mesures pour la découverte et les poursuites des coupables, a cherché à leur assurer l’impunité en attribuant la mort du Citoyen BOURGOGNE à l’effet d’une chute occasionnée par une attaque d’apoplexie . »

L'histoire intégrale

Le 11 mai 1751 François Xavier THURE épousait à Xivray-Marvoisin Marguerite MILLARD. Si Marguerite descend d’une famille bien installée à Xivray, François Xavier THURE quant à lui est un émigré de suisse alémanique originaire, selon son acte de mariage, de « la paroisse de Kants [?], diocèse de Schwitz ou Glaris, province de Suisse ». Il était laboureur à Xivray-Marvoisin.
François Xavier THURE et Marguerite MILLARD eurent neuf enfants dont cinq survivaient en 1804 : François (1752), Marie Anne (1754), Anne (1756), Nicolas François (1762), dit Fanfan, et Jean (1766). A l’époque des faits relatés plus loin, en 1804, les trois frères François, Nicolas François et Jean, étaient cultivateurs, célibataires et demeuraient ensemble à Xivray-Marvoisin. François était Maire de Xivray. Marie Anne, elle, avait épousé Nicolas ROBERT, meunier à Troussey.
Anne THURE est donc née à Xivray-Marvoisin le 9 février 1756. Elle est baptisée le jour même par le curé Charles de BOURGOGNE dont il semble que ce soit le tout premier sacrement qu’il donne à Xivray-Marvoisin. En effet, dans le registre de la paroisse, l’acte qui précède immédiatement est le mariage de Marguerite Charlotte de BOURGOGNE avec François BERNARDY. Il s’agit du dernier acte signé du curé Léger BERGER. Charles de BOURGOGNE appartient à la noblesse locale qui est représentée à Xivray, en cette fin d’Ancien Régime, par trois familles, les de BOURGOGNE, de MARGADEL et de NIXEVILLE.
Anne THURE épouse Jean KESSELER le 20 juillet 1779 à Xivray-Marvoisin. De cette union, elle aussi célébrée par Charles de BOURGOGNE, sont nés 9 enfants dont 5 survivaient en 1804 : Joseph (1780), François (1785), Jean et Louis (jumeaux, 1789), Françoise (1791) et Jean François (1796)
On dispose de quelques informations sur l’apparence physique d’Anne THURE et François KESSELER en 1804. Anne THURE, « âgée de quarante huit ans, taille d’1 mètre 517 millimètres, cheveux et sourcils gris, yeux gris, nez petit, bouche moyenne, menton petit, à fossette, auquel est une verrue, et une autre au dessus de l’œil droit » ; François KESSELER, « âgé de dix-huit ans, taille d’1 mètre 585 millimètres, cheveux et sourcils châtains, front découvert, yeux gris, nez aquilin, bouche petite, une cicatrice à la lèvre supérieure, menton rond, marqué légèrement par la petite vérole »
Vers Noël 1801, Jean KESSELER décède à l’âge de 42 ans en laissant sa veuve Anne THURE avec six enfants et 6 000 francs de dettes.
« Pour obtenir le paiement d’une misérable somme de 30 francs qu’elle redevait à un créancier, il a fallu exercer des poursuites et lui envoyer l’huissier de la justice de paix. Un […] à qui elle redevait 28 francs 30 centimes depuis le mois de prairial an XI, s’est transporté vainement à Xivray le 19 nivôse dernier pour y être payé, sa réponse et celle de son fils aîné ont été qu’ils n’avaient pas d’argent. Telle était au commencement de pluviôse 1804 la détresse où se trouvait la veuve KESSELER pressée de toutes parts par ses créanciers, détresse qu’elle témoignait à quiconque voulait l’entendre, et disant qu’elle avait ses dettes qui l’occupaient, qu’elle n’avait que ça en tête …».
Son voisin, Charles de BOURGOGNE, 82 ans, ancien curé de Xivray, quant à lui est connu pour disposer d’une fortune personnelle. Anne THURE n’avait d’ailleurs pas caché sa convoitise en déclarant quelques mois avant les faits « qu’elle voudrait avoir autant d’argent que ce vieux B….. là, et avait ajouté un instant après que si quelqu’un le tuait et prenait sa bourse, le diable n’en ferait que rire ; propos qui peint le caractère de cette femme, connue d’ailleurs dans la commune pour être très-méchante, et qui, pour un simple retard de reprise de bestiaux, a porté la fureur jusqu’à menacer la garde de l’éventrer. »
« La veuve KESSELER et sa famille occupaient la maison qu’elle avait prise en bail de son beau-frère ROBERT au mois de ventôse précédent, ayant un jardin au derrière, la grange et les écuries au nord, et au midi le corps de logis tenant à une autre maison appartenant aux frères THURE et louée au défunt ; ce dernier corps de logis qu’occupait le défunt est composé d’une cuisine prenant jour et entrée sur la rue, une chambre au dessus où l’on monte par un escalier placé dans la cuisine, un poële derrière cette cuisine, et un grenier au dessus du poële, qui n’est point fermé d’avec la grange, à côté des cuisine et poële, un entissoir ou hallier communiquant par une échelle […] au dessus du poële et ce grenier à la chambre au dessus de la cuisine par une porte fermant à l’intérieur par un crochet à œillet ; enfin au derrière et dans toute la largeur du bâtiment un jardin communiquant sans aucune clôture à celui de la veuve KESSELER, dans lequel celle ci entre par une ouverture fort large qu’elle a pratiquée depuis quelque temps dans le mur … »
« Le défunt habitait continuellement sa cuisine, où l’on voit un puits près de la cheminée, tenant fermé au verrou la porte du devant, et usant d’une autre porte tout à côté de la première qui va à la grange et de là dans la rue. La veuve KESSELER était très bien avertie ; elle le voyait très souvent et allait journellement tirer de l’eau au puits de la cuisine du défunt, dans laquelle elle entrait soit par le devant, soit par le derrière, en traversant le jardin, n’ayant pas d’autre puits pour son usage. »
Le lundi 2 pluviôse an XII (23 janvier 1804), Joseph KESSELER part le matin, vers onze heures, avec son jeune frère Jean, en charrette, pour Bouconville. Anne THURE confie à la servante de Charles de BOURGOGNE une commission auprès de la Demoiselle de NIXEVILLE. Il est une heure de l’après-midi quand la servante part faire cette course. A son retour, à deux heures, elle découvre le corps de Charles de BOURGOGNE gisant dans sa cuisine.
« Elle rentre un peu avant deux heures et le plus horrible spectacle frappe ses yeux : Charles de BOURGOGNE étendu sur le foyer de la cuisine, sans mouvement et sans vie, baignant dans son sang ! Elle recule d’horreur et d’épouvante, va dans la rue crier au secours ; on s’y porte en foule, et bientôt arrive avec les autres le Maire [François THURE, le frère d’Anne], Nicolas François THURE [son autre frère], et la veuve KESSELER elle-même : le vieux curé jette encore un soupir et expire un instant après : il était couché sur le côté gauche, la face baignée dans son sang, ayant à l’os frontal du même côté gauche une forte contusion, une autre contusion à la joue droite, et pis, le crâne enfoncé d’un coup qu’il avait reçu sur le derrière de la tête dans la partie la plus dure à côté de l’oreille droite et qui avait fait une ouverture de la largeur de l’instrument dont on s’était servi, tel qu’un marteau ou une tête de hache ; après l’avoir relevé et lui avoir lavé la figure, on vit le sang qui coulait abondamment par le nez, par la bouche et surtout par l’oreille droite ; ce qui engagea à boucher cette oreille ; mais alors le sang parut jaillir avec encore plus de force et d’abondance par l’ouverture du crâne. »
« En entrant dans la maison, on s’était aperçu que la porte de la grange au hallier donnant sur le jardin de cette maison d’où l’on communique de plain pied à celle de la veuve KESSELER était ouverte. »
« Pour exposer le corps du défunt dans le poële, on voulut déranger une malle et en sortir la table à deux tiroirs dont il a déjà été question ; alors différentes personnes et le Maire lui même s’aperçurent que le couvercle de la malle se levait comme si elle n’eût pas été fermée à la clef ; sur l’observation faite par la fille de la maison que le défunt avait toujours eu le plus grand soin de tenir cette malle fermée par ce que c’était là qu’il mettait son or et son argent, on examina avec plus d’attention seulement le ferrement et l’on reconnut qu’elle avait été réellement fermée, l’embrasure tenant dans la pièce de la serrure ; mais que pour l’ouvrir on avait fracturé la charnière avec une hache ou autre pareil instrument. »
François THURE attribua la mort à une crise d’apoplexie et fit en sorte que l’inhumation ait lieu dans les meilleurs délais !
« L’évidence d’une mort violente par l’état du cadavre et singulièrement par l’enfoncement du crâne et par les vols avec effraction intérieure, étaient telles que le Maire et son frère ne pouvaient pas plus se méprendre sur la cause que sur la nature de cette mort ; ils n’en firent que plus d’efforts pour persuader que c’était l’effet d’une apoplexie, et que les contusions et l’enfoncement du crâne avaient été occasionnés par sa chute sur la crémaillère ou le pilier de la cheminée tandis qu’en tombant ainsi, il aurait reçu le coup mortel sur le devant et un sur le derrière de la tête, il n’y aurait pas eu d’enfoncement de crâne, et ce crâne était d’ailleurs enfoncé du côté droit et le défunt tombé au contraire du côté gauche. »
 « Les deux frères répétèrent les mêmes propos le lendemain mardi, lors de l’arrivée des héritiers que le Maire ne quittait pas un instant, les engageants à faire inhumer promptement le cadavre qui déjà, disait-il, commençait à se corrompre, et cela au milieu de l’hiver ; le lendemain de la mort ; malgré les bruits qui circulaient, mais qu’on n’osait répéter hautement par la crainte qu’inspiraient les trois frères THURE, le Maire parvint à faire l’enterrement le mardi, sans prendre aucune des précautions que les circonstances rendaient indispensables. »
Quant à François KESSELER, fils d’Anne THURE, il fut trouvé, après la découverte du cadavre, extrêmement éprouvé. « Peu de moment après, on l’a vu assis près du feu de la cuisine, ayant la tête inclinée sur ses genoux, trembler et dire plusieurs fois : Mon Dieu ! ; Etant ensuite allé dans la commune, plusieurs personnes ont remarqué qu’il avait l’air inquiet, qu’il tremblait de tous ses membres comme s’il avait la fièvre, pouvant à peine parler ». Le lendemain, il resta allongé.
Les jours qui suivirent, par contre, il fut prolixe concernant l’état de ses finances.
« Lui, qui avant la mort, n’avait jamais d’argent ou en avait peu, manifesta depuis qu’il en avait beaucoup, qu’il achèterait des boucles d’argent qui seraient telles qu’aucun des garçons de Xivray n’en aurait d’aussi belles et qu’il les payera comptant. ». Il acheta une montre d’argent puis déclara « que la montre d’argent était trop paysanne et qu’il en voulait avoir une d’or. ». « Dans la soirée du quinze même mois, étant dans le corridor de Nicolas MANSUY, il montra et fit sonner une bourse dans laquelle il paraissait avoir beaucoup d’argent ; dit en même temps qu’il aurait beaucoup plus d’argent si sa mère ne lui eût point pris ; sur la question à lui faite où il s’était procuré cet argent, il répondit que le défunt BOURGOGNE lui en avait fait gagner par ses commissions et les différents voyages qu’il lui avait fait faire. »
Un autre jour, « le 23 pluviôse, étant au cabaret, il dit qu’il allait chercher de l’argent pour payer son écot, il est allé en effet dans leur écurie, s’est baissé dans un coin, et rapporté et fait voir 3 écus de 6 francs » ; ce fait a été rapporté par Etienne DILLON, cabaretier.
Anne THURE et son fils Joseph quant à eux, à partir de la date du meurtre, ne cachent guère que leur situation financière s’est améliorée : remboursement de dettes, achats de vêtements à Saint-Mihiel, …
« Joseph voulut parler au Sr […] et s’assurer près de ce dernier que la maison pour laquelle il était en concurrence avec les PARENTIN, ne lui avait pas été adjugée. Le lendemain huit dans la matinée, Joseph KESSELER retournant à Xivray, joignit un particulier de Bouconville à qui il s’informa de nouveau du prix que la maison de l’émigré MARGADEL avait été vendue, dit ensuite qu’il en aurait volontiers donné 2400 francs comptant ; qu’il avait chargé le Sr […] de la lui acheter, que celui ci ne l’avait pas servi, qu’une autre fois il ferait ses affaires lui-même. Le même jour, étant de retour à Xivray, il alla chez un particulier [dénommé JACQUEMOT] à qui il dit que depuis qu’il n’avait pu avoir la maison des PARENTIN, il désirait d’acheter celle de ce particulier, ajouta que si on s’arrangeait il tâcherait de trouver les moyens de l’acquitter. »
Enfin, les témoignages montrent que parmi les pièces dépensées par François KESSELER, Joseph KESSELER et Anne THURE figuraient nombre de pièces noircies, comme il s’en trouvait dans la partie de la fortune de Charles de BOURGOGNE qui n’a pas été dérobée et qui a été retrouvée après le meurtre.
Les scellés ne furent apposés sur la maison par le juge de paix que le mercredi qui suivi le crime.
Trois procès verbaux ont été dressés le vingt pluviôse suivant le crime, « un constatant l’exhumation et la reconnaissance du cadavre de Charles BOURGOGNE, le second la visite de sa maison où il a été assassiné, avec le plan figuré des lieux, le troisième la visite faite au domicile des prévenus ; enfin le rapport en dressé le vingt neuf pluviôse par sieur [...] médecin et chirurgien nommé d’office, constatant la mort violente dudit Charles BOURGOGNE»
Anne THURE et ses deux fils Joseph et François furent naturellement soupçonnés et comparurent devant la cour criminelle de justice de la Meuse à Saint-Mihiel, au cours d’un procès qui dura 6 jours du 16 au 21 thermidor an XII.
Ils plaidèrent leur innocence, justifiant leur soudaine aisance par deux prêts que leur aurait fait Nicolas ROBERT, de Troussey, le mari de la sœur d’Anne THURE.
« Les prévenus ayant prétendu que les espèces dépensées depuis la mort de Charles BOURGOGNE étaient les mêmes que celles qu’ils avaient reçues dudit Nicolas ROBERT leur beau-frère et oncle lors de deux prêts qu’il leur avait faits, prêts qui consistent, le 1er à 800 fr. à ladite veuve KESSELER, le second à 700 fr. à Joseph KESSELER, en tout 1500 f. Nicolas ROBERT a été entendu ; on verra par le rapprochement de leurs déclarations qu’ils ne sont pas plus d’accord sur ce point que pour les sommes dues antérieurement. »
Anne THURE fut jugée coupable de l’assassinat de Charles de BOURGOGNE et des vols qui suivirent. François KESSELER fut jugé coupable des vols uniquement. Joseph KESSELER fut innocenté, probablement grâce à son alibi.
Anne THURE et François KESSELER furent condamnés à mort. «  Anne THURE, et François KESSELER son fils, sont tous deux condamnés à la peine de mort, et solidairement au remboursement des frais de la procédure ; et attendu que la dite Veuve KESSELER est condamnée à raison d’un assassinat, elle sera conduite au lieu du supplice revêtue d’une chemise rouge »
 Anne THURE fut exécutée place des Halles à Saint-Mihiel le 2 brumaire an XIII (24 octobre 1804).
François KESSELER s’est pourvu en cassation. La cour de cassation annula sa condamnation à mort, au motif « que par la déclaration du jury de jugement, François KESSELER est déclaré n’être ni auteur ni complice de l’homicide qui a précédé le vol, mais seulement être l’auteur du vol ; d’où il suit qu’il ne pouvait être puni que pour ce dernier crime, et que la cour de justice criminelle de la Meuse en lui appliquant la peine prononcée pour l’homicide a fait une fausse application de la loi pénale. » Il fut renvoyé devant la cour de justice criminelle de la Meurthe. Le compte-rendu de ce procès ne nous est pas connu, on ne sait s’il fut acquitté ou condamné à une peine d’emprisonnement ; il se maria à Xivray en 1819, soit quinze ans plus tard, avec Anne HENRY. Il décèdera le 27 juillet 1829 à Xivray à l’âge de 43 ans.
Innocenté pour l’assassinat de Charles de BOURGOGNE et les vols qui s’en suivirent, Joseph KESSELER fut renvoyé à un autre procès pour y rendre de compte de vols qui eurent lieu à Xivray avant les faits.
Le 18 pluviôse an XIII, il fut jugé pour deux vols. Le premier, commis « la nuit du dix neuf au vingt thermidor an onze », était « un vol sur les greniers de la maison habitée de Dame Margueritte-Charlotte BOURGOGNE, veuve Louis-François MARGADEL, sise à Xivray, consistant en douze chemises de femmes, cinq draps, douze serviettes, deux nappes, dont une unie, deux sacs à farine et trois chemises d’enfant, le tout déposé sur le dit grenier, comme linges sales. » Joseph KESSELER avait été accusé de ce vol par Rémi Etienne DILLON.
Le second, commis « une nuit de la 3ième semaine du mois de pluviôse an douze » consistait en « un vol d’une dinde qui était dans une chambre-à-four dépendant et tenant immédiatement à la maison habitée par ladite Dame veuve MARGADEL à Xivray. »
Dans les deux cas, la complicité de son frère François était présumée. La culpabilité ne fut pas formellement établie et Joseph KESSELER fut acquitté. Il se maria à Xivray en 1813 à Barbe MARONIER de Raulecourt et décèdera le 27 février 1851 à Xivray à l’âge de 71 ans.
Quant à François THURE, Maire de Xivray et frère d’Anne THURE, il était déjà l’objet de plusieurs plaintes d’habitants de Xivray. En germinal de l’an XI, soit près d’un an avant l’assassinat de Charles de BOURGOGNE, plusieurs plaintes sont établies contre lui. François MENET, instituteur du village, est particulièrement impliqué dans ce mouvement de contestation contre le Maire. Dans une pétition du 4 germinal an XI, envoyée au préfet de la Meuse, le conseil municipal se plaint de la gestion du Maire : détournement d’argent destiné à la commune, dissimulation d’informations (textes de lois, affiches, …), pouvoir oligarchique des trois frères THUR (maire, garde champêtre, conseiller municipal). Ces plaintes ne semblent pas avoir abouti immédiatement, mais elles accompagnent le dossier de destitution qui a fait suite à l’assassinat de Charles de BOURGOGNE. Une lettre du 7 ventôse an XII, du Commissaire du Gouvernement BAZOCHE au Préfet de la Meuse retrace le comportement du Maire après l’assassinat. Il note d’abord que François THUR ne pouvait ignorer qu’il s’agissait d’un meurtre, ni qu’il avait été accompagné du vol de l’argent de la victime. La rumeur publique était telle, à Xivray et aux alentours, sur la culpabilité de la sœur et du neveu du maire, que le 29 pluviôse un des héritiers s’est rendu auprès du Commissaire du gouvernement BAZOCHE pour signaler le crime. En réponse aux questionnements de ce dernier, François THURE a maintenu qu’il s’agissait des suites d’une des crises d’apoplexie dont la victime était fréquemment atteinte. Un examen du corps, suite à exhumation, confirmait le meurtre. Le 8 ventôse le Préfet de la Meuse suspend François THUR de ses fonctions de maire, confiant probablement cette responsabilité à Joseph COLLOT, comme le lui conseille le Commissaire du gouvernement. Le 19 germinal an 12 (2 avril 1804), François THURE est destitué de ses fonctions de Maire par arrêté du Ministre de l’Intérieur de Napoléon, Jean-Antoine CHAPTAL.
Curieusement les trois frères THURE décédèrent quasi simultanément : Jean et François le 2 mars 1808, et Nicolas François le 12 mars !
Françoise KESSELER épousa en 1813, à Xivray-Marvoisin, François Léger MILLARD.
Enfin, le plus jeune des enfants d’Anne THURE, Jean François KESSELER avait 8 ans quand sa mère fut exécutée. Le 7 janvier 1818, il épousa Marie Madelaine LERECEVEUR. Ils vécurent à Xivray et eurent de nombreux descendants parmi lesquels figurent… l’auteur de cet article.

Sources aux Archives Départementales de la Meuse :
- L1899 : table des noms des individus jugés de 1792 à 1811 (Meuse)
- L1895 : jugements de l’an 11 à l’an 13, registre n° 11, jugements n° 724 du 21 thermidor an XII et n° 734 du 18 nivôse an XIII. L’arrêt de la cour de cassation est inscrit en marge du jugement n° 724.
- L1956 : procédures criminelles an 11 à an 13. Dans cette liasse figure l’acte de dépôt des pièces à conviction du procès.
- 3M246 (anciennement 51 M 586) : destitution de François THURE